La prise de décision
Dans l'évolution normale de cette situation, il faut à un moment prendre une décision. On ne peut rester longtemps dans l'indécision, pris entre la vie d'avant, les possibilités de vie future, les risques que cela représente, la perte de sécurité, le mal que l'on va faire, etc.
La première raison qui force la décision est que toute période d'incertitude sur l'avenir, dans des conditions pareilles, devient rapidement d'un poids énorme pour tous, y compris les enfants. Il est quasi impossible de masquer aux enfants ce qui se passe. Ma femme et moi avions pensé ne rien avoir montré, mais tous les enfants nous ont dit qu'ils se doutaient de quelque chose. Bien sur, il y a là-dedans le fait qu'on vient de le leur dire, justement. Mais il y aussi un certain soulagement montré, à l'idée que les choses sont dites. Cependant, il ne faut pas se tromper. Ce n'est pas parce que les choses sont dites qu'elles sont comprises. Selon leur âge, les enfants ont besoin de plus ou moins de temps pour simplement intégrer (il n'est pas là question d'accepter) une modification de leur environnement immédiat. Et quand la modification est de cette nature, le temps devient encore plus important.
Il faut prendre une décision, donc. Cela n'a rien de facile. J'ai hésité fort longtemps à choisir et je ne m'y suis résolu que parce que la situation devenait invivable. J'ai tout essayé : l'approche rationnelle (tableau comparatif des situations possibles, jeté au bout de quelques jours), spirituelle (recueillement et méditation dans l'espoir qu'une lumière vienne éclairer mon choix), détournée (oubli volontaire, et hélas momentané, de tout choix à faire), etc. Rien n'y a fait, il y a un moment où il faut se regarder en face et exprimer un choix.
Là aussi, les stratégies sont nombreuses pour éviter les phrases définitives : c'est une prise de distance, une phase de recul nécessaire pour faire le point, une séparation mais tout est possible, etc. Entendons-nous bien, il n'y a rien de machiavélique dans ces expressions, ni même de sournois. Il s'agit simplement de l'expression du profond malaise que j'ai pu ressentir à l'idée de cette séparation. Le moins qu'on puisse dire est que cette démarche n'est pas porteuse. Elle est même au contraire extrêmement lourdee à porter et les conséquences en sont terribles. Mais la gentillesse et le désir de bien faire ne sont pas une excuse pour aggraver les choses en laissant tout le monde dans l'expectative et l'attente.
A un moment, il faut décider, pour le bien de tous. J'ai donc décidé de partir. Nous avons préparé les enfants en leur expliquant comment cela allait se passer. Mais la période d'attente a encore duré et ce ne fut pas facile.